Lia Lapithi

Defining Silence, 2010

Avec Defining Silence, Lia Lapithi crée un panorama composé d’un travelling pho­tographique qui suit la périphérie du quartier bouclé de Varosha (Famagusta), en longeant la clôture infran­chiss­able depuis 1974. À défaut de pouvoir entrer, l’artiste tourne autour de ce quartier et en fait un relevé topographique. Le périmètre de Varosha est d’environ huit kilomètres. Cachée dans sa voiture, puisqu’il est interdit de prendre des images de cette zone, elle a pris plus de 600 pho­togra­phies “ en rafale ”, pour composer ce panoramique et développer ainsi un travail sys­té­ma­tique d’enregistrement de la fracture chypriote. Ce panorama suit une succession de barbelés, de palissades en bois et de barricades de bidons qui séparent la ville et laissent voir, au-delà, des con­struc­tions et des jardins abandonnés. Ces pho­togra­phies sont, pour l’artiste, une tentative de recréer ce voyage, de la plage à la terre rouge, car­ac­téris­tique de la région de Famagusta. La dernière pho­togra­phie représente un panneau où il est écrit, également traduit en turc, en anglais, et en allemand : “ Route contrôlée - Interdit de s’arrêter, pho­togra­phi­er ou sortir de la route ”.

Lia Lapithi fait partie du collectif d’artistes Suspended Spaces. Il s’agit d’un collectif indépendant, mobile, à géométrie variable, composé d’artistes et de chercheurs aux compétences diverses (architectes, anthro­po­logues, philosophes, sociologues, historiens de l’art, etc.). Procédant par déplace­ments, tant symboliques que géo­graphiques, le collectif travaille à partir de sites historiques délaissés par la modernité et dont le devenir a été empêché pour des raisons de conflits politiques, économiques, historiques. Cinq artistes se sont par­ti­c­ulière­ment intéressés à la zone tampon qui divise l’île de Chypre en deux et au quartier de Varosha, la partie fantôme de la ville de Famagusta. En partie close, vidée de ses habitants en 48 heures, occupée par l’armée turque et gardée par les forces des Nations Unies depuis la fin du conflit armé entre les communautés chypriotes grecques et chypriotes turques, la ville est toujours inac­ces­si­ble. Depuis 1974, Famagusta est l’un de ces territoires en suspens”.

L’histoire de Chypre est celle de guerres et d’invasions successives. Depuis l’Antiquité, l’île a été perse, romaine, byzantine, chrétienne puis turque. Mais l’histoire de Chypre n’est ni évidente, ni résolue, ni con­sen­suelle. Suite à l’intervention de l’armée turque en 1974, l’île est coupée en deux (30% de l’île est turque chypriote). A Famagusta, depuis plus de 35 ans, des immeubles, des hôtels, des résidences de style moderne, inachevés parfois, offrent leurs carcasses aux regards. Les humains l’ont désertée. La faune et la flore s’y épanouis­sent. Non loin, de l’autre côté des barbelés, des complexes hôteliers prospèrent. La promiscuité de ces réalités compose l’étrangeté de la ville et fournit autant d’axes de questionnement.

  • Date 2010
  • Technique Photographie, leporello
  • Copyright © Lia Lapithi. Collection de la Province de Hainaut
Photographie

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